A Paris le 25 Septembre 2020,

 

A toi l’enfant que je n’aurais pas,

 

Je t’écris cette lettre pour te dire que j’ai décidé de ne pas enfanter.

J’ai décidé de ne pas enfanter dans un monde qui va mal.

Un monde qui tue des femmes et des hommes noirs du simple fait de leur couleur de peau.

Un monde dans lequel être une femme Noire est tout simplement une lutte dès la naissance.

Un monde où en tant que femme Noire tu n’as pas besoin de faire un PhD en sociologie pour comprendre ce que veut dire le mot ‘intersectionalité’.

Un monde qui te demande de te justifier quand tu ne veux pas enfanter.

Un monde qui pense que ton utérus est un ‘four’ communal dans lequel chacun peut décider à la place de ce que tu dois faire ou ne pas faire.

Un monde où certaines femmes luttent encore pour pouvoir avorter.

Un monde où nous sommes obligés de créer nos propres médias pour faire entendre nos voix.

Un monde où des hommes politiques rêvent de revenir à la période coloniale pour tout simplement pouvoir ‘casser du nègre’ et ce sans politiquement correcte.

 

 

Mais c’est aussi un monde où tout est à refaire pour les générations à venir.

Un monde dans lequel nous devons travailler d’arrache pieds pour que vous n’ayez plus à subir ces injustices.

Un monde dans lequel vous n’aurez plus honte de dire que vous ne souhaitez pas enfanter.

Un monde dans lequel ‘faire famille’ inclurait différents parcours de famille : familles homoparentales, familles monoparentale, mères supplétives, nullipares …

 

J’espère vraiment que le monde de demain sera un peu plus doux pour les prochaines générations et que vous chercherez à vous connaître et connaître votre histoire.

 

Pour finir je souhaiterais citer Amadou Hampaté Bâ :

« La vie humaine est comme un grand arbre et chaque génération est comme un jardinier.

Le bon jardinier n’est pas celui qui déracine, mais celui qui, le moment venu, sait élaguer les branches mortes et, au besoin, procéder judicieusement à des greffes utiles. Couper le tronc serait se suicider, renoncer à sa personnalité propre pour endosser artificiellement celle des autres, sans y parvenir jamais tout à fait. Là encore, souvenons-nous de l’adage : “Le morceau de bois a beaucoup séjourné dans l’eau, il flottera peut-être, mais jamais il ne deviendra caïman !” ». Ainsi,  « bien enracinés en vous-mêmes, vous pourrez sans crainte et sans dommage vous ouvrir vers l’extérieur, à la fois pour donner et pour recevoir ».